Page:Gide - Les Faux-monnayeurs.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peux pas vous expliquer. Il a une espèce de besoin d’abîmer tout ce à quoi il tient le plus. Il n’y a pas longtemps qu’il est comme ça. Je crois qu’il est très malheureux et que c’est pour cacher cela qu’il se moque. Il est très fier. Ses parents ne le comprennent pas du tout. Ils voulaient en faire un pasteur.

« Épigraphe pour un chapitre des Faux-Monnayeurs :

« La famille…, cette cellule sociale. »
Paul Bourget (passim).-----

« Titre du chapitre : le régime cellulaire.

« Certes, il n’est pas de geôle (intellectuelle) dont un vigoureux esprit ne s’échappe ; et rien de ce qui pousse à la révolte n’est définitivement dangereux — encore que la révolte puisse fausser le caractère (elle le replie, le retourne ou le cabre et conseille une ruse impie) ; et l’enfant qui ne cède pas à l’influence familiale, use à s’en délivrer la primeur de son énergie. Mais encore l’éducation qui contrarie l’enfant, en le gênant le fortifie. Les plus lamentables victimes sont celles de l’adulation. Pour détester ce qui vous flatte, quelle force de caractère ne faut-il pas ? Que de parents j’ai vus (la mère surtout), se plaire à reconnaître chez leurs enfants, encourager chez eux, leurs répugnances les plus niaises, leurs partis-pris les plus injustes, leurs incompréhensions, leurs phobies… À table : « Laisse donc ça ; tu vois bien que c’est du gras. Enlève la peau. Ça n’est pas