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cuser d’être resté si longtemps sans le voir ; promis pour après-demain ma visite. J’ai cherché à l’entraîner chez les Azaïs, convié moi-même au thé qu’ils donnent après la cérémonie ; mais il m’a dit qu’il se sentait d’humeur trop sombre et craignait de rencontrer trop de gens avec qui il eût dû, mais n’eût pu causer.

« Pauline a emmené Georges ; m’a laissé avec Olivier :

« — Je vous le confie, m’a-t-elle dit en riant ; ce qui a paru agacer un peu Olivier, dont le visage s’est détourné. Il m’a entraîné dans la rue :

« — Je ne savais pas que vous connaissiez si bien les Azaïs ?

« Je l’ai beaucoup surpris en lui disant que j’avais pris pension chez eux pendant deux ans.

« — Comment avez-vous pu préférer cela à n’importe quel autre arrangement de vie indépendante ?

« — J’y trouvais quelque commodité, ai-je répondu vaguement, ne pouvant lui dire qu’en ce temps Laura occupait ma pensée et que j’aurais accepté les pires régimes pour le contentement de les supporter auprès d’elle.

« — Et vous n’étouffiez pas dans l’atmosphère de cette boîte ?

« Puis, comme je ne répondais rien :

« — Au reste, je ne sais pas trop comment je la supporte moi-même, ni comment il se fait que j’y suis… Mais demi-pensionnaire seulement. C’est déjà trop.

« J’ai dû lui expliquer l’amitié qui liait au directeur