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« Cette perspicacité, faite de sympathie, nous est-elle interdite, qui nous permettrait de devancer les saisons ? Quels problèmes inquiéteront demain ceux qui viennent ? C’est pour eux que je veux écrire. Fournir un aliment à des curiosités encore indistinctes, satisfaire à des exigences qui ne sont pas encore précisées, de sorte que celui qui n’est aujourd’hui qu’un enfant, demain s’étonne à me rencontrer sur sa route.

« Combien j’aime à sentir chez Olivier tant de curiosité, d’impatiente insatisfaction du passé…

« Il me paraît parfois que la poésie est la seule chose qui l’intéresse. Et je sens, à les relire à travers lui, combien rares sont ceux de nos poètes qui se soient laissés guider plus par le sentiment de l’art, que par le cœur ou par l’esprit. Le bizarre c’est que, lorsque Oscar Molinier m’a montré des vers d’Olivier, j’ai donné à celui-ci le conseil de chercher plus à se laisser guider par les mots qu’à les soumettre. Et maintenant, il me semble que c’est lui qui, par contre-coup, m’en instruit.

« Combien tout ce que j’ai écrit précédemment me paraît aujourd’hui tristement, ennuyeusement et ridiculement raisonnable !

« 5 Novembre. — La cérémonie a eu lieu. Dans la petite chapelle de la rue Madame où je n’étais pas retourné depuis longtemps. Famille Vedel-Azaïs au complet : grand-père, père et mère de Laura, ses deux sœurs et son jeune frère, plus nombre d’oncles, de