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culose, il avait dû interrompre ses études et se soignait quelque part dans le Midi. Les deux autres n’étaient jamais là aux heures où j’allais voir Pauline ; celui que j’avais devant moi était assurément le dernier. Je ne laissai rien paraître de mon étonnement, mais, quittant le petit Georges brusquement, après avoir appris qu’il rentrait déjeuner chez lui, je sautai dans un taxi, pour le devancer rue Notre-Dame-des-Champs. Je pensai qu’arrivant à cette heure, Pauline me retiendrait pour déjeuner, ce qui ne manqua pas d’arriver ; mon livre, dont j’emportais de chez Perrin un exemplaire, et que je pourrais lui offrir, servirait de prétexte à cette visite intempestive.

« C’était la première fois que je prenais un repas chez Pauline. J’avais tort de me méfier de mon beau-frère. Je doute qu’il soit un bien remarquable juriste, mais il sait ne parler pas plus de son métier que je ne parle du mien quand nous sommes ensemble, de sorte que nous nous entendons fort bien.

« Naturellement, quand j’arrivai ce matin-là, je ne soufflai mot de la rencontre que je venais de faire :

« — Ça me permettra, j’espère, de faire la connaissance de mes neveux, dis-je quand Pauline me pria de rester à déjeuner. Car vous savez qu’il y en a deux que je ne connais pas encore.

« — Olivier, me dit-elle, ne rentrera qu’un peu tard, car il a une répétition ; nous nous mettrons à table sans lui. Mais je viens d’entendre rentrer Georges. Je vais l’appeler. Et, courant à la porte de la pièce voisine :