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et tumultueux qui l’agitaient, si elle n’eût risqué de paraître exagérée. Il se taisait ; il sentait ses traits se durcir ; il eût voulu se jeter dans les bras d’Édouard et pleurer. Édouard se méprenait à ce silence, à l’expression de ce visage contracté ; il aimait beaucoup trop pour ne point perdre toute aisance. À peine s’il osait regarder Olivier, qu’il eût voulu serrer dans ses bras et dorloter comme un enfant ; et quand il rencontrait son regard morne :

— C’est cela, pensait-il. Je l’ennuie… Je le fatigue, je l’excède. Pauvre petit ! il n’attend qu’un mot de moi pour partir. Et ce mot, irrésistiblement, Édouard le dit, par pitié pour l’autre :

— À présent tu dois me quitter. Tes parents t’attendent pour déjeuner, j’en suis sûr.

Olivier, qui pensait de même, se méprit à son tour. Il se leva précipitamment, tendit la main. Du moins voulait-il dire à Édouard : — Quand te reverrai-je ? Quand vous reverrai-je ? Quand est-ce qu’on se revoit ?… Édouard attendait cette phrase. Rien ne vint qu’un banal : — Adieu.