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vision : J’ai vu — j’ai vu, dit Aguisel, des bouleaux nains en enfilade sur un tumulus ardoisé. — Moi, dit Erie, dans une plaine de sable, des sauterelles broutant l’herbe amère. — Et vous, Urien ? dit Axel : Un champ semé de pimprenelles. Morgain : des forêts de pins bleus sur le bord d’une mer. — Ydier : des carrières abandonnées… Et comme cet interrogatoire n’était plus dl’aucun intérêt, la nuit étant close, nous dormimes.

Le lendemain je m’éveillai tard : tous les autres déjà levés, je les vis assis sur la rive : tous lisaient : — c’étaient des brochures morales qu’Ellis avait distribuées. Je saisis la petite valise : on y trouvait trois agendas : la vie de Franklin : une petite flore des climats tempérés, et le Devoir présent de M. Desjardins. — Tout en fouillant dans la valise, je préparais une apostrophe ; quand tout fût prêt, je jetai la valise. Elle fonça dans la rivière. Deux grosses larmes coulaient sur les joues d’Ellis. Ce ne fut pas que je fusse touché, mais au sentiment de notre commune misère soudain tomba mon irritation, et ce furent au lieu de blâmes, des plaintes :