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que nous redoutions autrefois : désirs ! au moins à résister, nos âmes s’occupaient-elles encore ; nous n’avons pas cédé ; nous souhaitions que les désirs s’en aillent, et quand ils sont partis, maintenant, comme l’ennui s’étend sans fin sur la mer grise.

Sur la mer épaissie, les fucus gélatineux se dévident. Les longues algues infinies, flottaisons, ligne vers l’horizon enfuie, à peine sinueuse, que, dès l’aube aperçue, nous primes d’abord pour un immense reptile ; — elles n’étaient pas même cela ; rien au loin que les longues algues dociles.

— Nous avons regardé la boussole, et notre foi diminuée laissait croître notre triste science. En relevant l’indication des latitudes, nous vîmes que nous étions arrivés à ce point de mer, oléagineuse vraiment, que les marins appelent Pot au Noir, à cause de sa tranquillité.

La mer par places s’est prise de varechs, et bientôt nous avons navigué entre deux traînées de sargasses ; d’abord distantes et lâches, elles se sont coagulées ; elles se sont peu à peu resserrées, et, dans l’étroit chenal que l’eau