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che avec des baumes et l’odeur fade des aromates se mêlait aux chaudes haleines.

… Ce soir, les danses et les musiques même étaient retombées trop lasses. Jamais les vents n’avaient soufflé plus tièdes ; les flots chantaient et toutes les âmes étaient folles de leur corps. Les corps étaient beaux comme des marbres : ils luisaient dans l’ombre : ils se cherchaient pour des étreintes, mais leur splendeur n’en était pas calmée ; leur fièvre en était attisée : ils unissaient leurs deux brùlures. Leurs baisers étaient des morsures : où leurs mains touchaient ils saignaient.

Jusqu’au matin, ils usèrent leur fièvre dans de fausses étreintes, puis le matin les lava dans mi bain d’aurore : alors ils allèrent vers les fontaines blanchir leur tunique empestée. — Là, de nouvelles fêtes commencèrent ; comme ils étaient légers, ils riaient de fatigue, et les éclats de gaité vibraient dans leur tête sonore. — L’eau du lavoir s’était salie. Avec de grandes perches, ils agitaient au fond la vase : des nuages de boue s’élevaient : des bulles montaient crever :