Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attendions ; mais sur l’Océan monotone ne se promenait aucun souffle ; l’air était bleu comme la mer — et nous ne savions pas ce qu’était devenu le navire.

De midi jusqu’au soir, nous restions à dormir dans de petites chambres ; une porte vitrée s’ouvrait sur un largue escalier qui descendait jusqu’à la mer. Quand le soir venait jetant des rayons sur les vitres, nous sortions. L’air alors était plus tranquille : il montait de la mer comme une fraîcheur parfumée ; à la respirer, nous restions quelque temps, ravis, avant de descendre ; à cette heure du soir, le soleil tombait dans la mer : d’obliques rayons sur les marches de marbre les pénétraient de transparences scarlatines. Lentement, tous les douze, alors, majestueux et symétriques, graves à cause de notre somptueuse ]parure. nous descendions vers le soleil, jusqu’à la dernière marche où la vague moulée mouillait d’écume notre robe.

D’autres heures ou d’autres journées, nous restions assis tous les douze, sur un trône