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ces femmes délaissées, s’affolant au désir des mâles, parfois sortaient dans la campagne, comme celles que nous avions rencontrées ; pensant que peut-être quelque homme descendu des plateaux viendrait, pour le séduire, elles se détruisaient. — Nous n’apprîmes pas cela d’abord, mais seulement après que, nous ayant conduits dans le palais, la reine vint nous dire qu’elle nous retenait prisonniers.

Captivité délicieuse, plus perfide que les dures geôles ! ces femmes voulaient nos caresses, et nous gardaient pour leurs baisers.

Du premier jour, les matelots furent perdus ; puis, un à un, tombèrent les autres ; mais nous sommes demeurés douze qui n’avons pas voulu céder.

La reine devint amoureuse de nous ; elle nous fit baigner dans des piscines tièdes et nous parfuma de mirbane ; elle nous revêtit de manteaux splendides ; mais, nous dérobant aux caresses, nous ne songions qu’au départ. Elle pensa nous vaincre d’ennui, et les longues journées s’écoulèrent. Nous