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plein d’insultes ; sur leurs lèvres, une ironie mauvaise souriait. Ce fut à propos des beaux fruits que la querelle commença ; ils voulaient nous en faire manger, mais leur éclat, leur splendeur même nous faisait nous en défier ; — quand nous le leur dîmes, ils se moquèrent : Voilà les chevaliers courageux ! n’oserez-vous goûter même à des fruits, par crainte, et votre stérile vertu ce sera donc de s’abstenir — dans le doute. Doutez-vous donc toujours ? — Alors pourquoi ?

Et sans que nous l’ayons demandé, ils nous racontèrent ce qu’ils avaient fait dans la ville : le marché, l’achat des fruits, et la langue inconnue que parlaient ces femmes ; — puis les jardins de plaisir aux lumières, et les lanternes dans les feuillages ; longtemps ils étaient restés sans entrer, regardant à travers les clôtures les danses et les girandoles, — puis des femmes qui passaient les avaient entraînés avec elles et ils s’étaient tout à coup sentis sans résistance sitôt que leurs mains s’étaient touchées. Ils avaient eu honte d’abord, puis avaient trouvé ça ridicule. — Mais quand ils voulurent nous conter leurs