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— Les matelots se sont baignés dans l’eau tiède : l’air qui brùle a séché leur peau. Le soir est venu, mais sans la fraîcheur qui repose, mais sans la fraîcheur de la nuit comme un baiser sur les paupières. La nuit est maintenant si chaude que nous ne pouvons pas dormir. Des éclairs silencieux palpitent au bord du ciel et sur les flots des fluorescences passent vaguement. À demi couchés sur le pont, rêvassent les matelots et les mousses ; et dans la nuit mystérieuse, tendant les bras vers le rêve, ils se sont tordus de désirs. Nous, nous sommes restés debout, car nous n’osions pas nous étendre, et nous entendions toute la nuit leurs soupirs se mêler aux souflles amoureux de la mer. Mais une plus sérieuse pensée naissait en nous au sentiment de notre sévère attitude, et le calme de la nuit descendait sur notre visage.