Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous fùmes étourdis d’abord. Nous voulions parler, interroger quelqu’un pour savoir, mais aucun n’écoutait et tous, avec des gestes forcenés, montraient et regardaient le milieu de la salle.

Nous étant dressés contre le mur, nous avons pu voir, au centre de la foule, deux derviches hurleurs commençant leur extase ; ils tournaient lentement au son d’une musique que faisaient quatre hommes accroupis, mais qu’on n’entendait pas à cause des cris de la foule : et périodiquement, à la fin d’un couplet des instruments de musique, ils poussaient un hurlement guttural suraigu, auquel la foule répondait par un trépignement enthousiaste. Ils étaient coiffés d’un bonnet haut comme la moitié de leur corps, et symétrique ; et vêtus seulement d’une robe longe et très large. Comme la musique les pressait, ils ont commencé de tourner plus vite ; leur robe s’évasait autour d’eux et laissait voir leurs pieds sautant dans les sandales : comme ils tournaient plus vite encore, ils ont rejeté leurs sandales et dansé pieds nus sur la pierre : leur robe, qui s’élargissait, se soulevant au-