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leurs ruses : Mais, dites-nous, dit Odinel, — dites-nous, comment étaient-elles ? Elles étaient couchées dans les algues, dit Agloval, et leurs cheveux ruisselants qui les couvraient tout entières, verts et bruns, senmblaient des herbes de la mer : mais nous avons couru trop vite pour bien les voir. — Elles avaient des mains palmées, dit Cabilor, et leurs cuisses couleur d’acier luisaient, couvertes d’écaillés. Je me suis enfui parce que j’avais peur. — Je les ai vues comme des oiseaux, dit Paride, comme de grands oiseaux de mer au bec rouge — n’est-ce pas qu’elles avaient des ailes ? — Ô non ! non, dit Morgain, — elles étaient pareilles à des femmes et très belles — voilà pourquoi je me suis enfui. — Mais leur voix, leur voix, dites-nous, leur voix comment était-elle ? Et chacun souhaitait les avoir entendues. — Elle était, dit Morgain, comme une vallée d’ombre et comme l’eau fraîche aux malades. — Puis chacun parla de la nature des sirènes et de leurs ensorcellements ; Morgain se tut et je compris qu’il regrettait les sirènes.

Nous ne nous baignâmes pas ce jour-là, de peur d’elles.