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bizarre, et nous en eussions bien pleuré, La voix vibrait sur une note aiguë. Un nouveau chant jaillit, puis un autre ; et une à une les mosquées se réveillaient mélodieuses sitôt que d’un rayon les avait touchées le soleil. Bientôt toutes chantaient. C’était un appel inouï que finissait un éclat de rire sitôt qu’un autre appel commençait. Les muezzins dans l’aurore se répondaient comme des alouettes. — Ils jetaient des questions auxquelles succédaient d’autres questions, et le plus grand, sur le plus haut minaret, ne disait rien, perdu dans un nuage.

Cette musique était si merveilleuse, que nous étions demeurés immobiles, en extase, étourdis ; puis, comme les voix baissaient et se faisaient plus douces, nous voulûmes nous approcher, insensiblement attirés par la beauté de la ville et par l’ombre mobile des palmes. Les voix baissaient toujours, — mais comme elles retombaient, voici que la cité s’éloigna, se délit, chancelante avec une strophe ; les minarets, les palmiers grêles s’éperdirent ; l’escalier croula ; derrière les jardins des terrasses décolorées transparurent la mer