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Sitôt après que le soleil fut couché, nous nous sommes baignés dans une eau rose et verte ; et comme elle reflétait le ciel, elle est bientôt devenue mordorée. Les flots tièdes et pacifiques nous pénétraient de leur mollesse. Les rameurs attendaient. Nous sommes remontés dans la barque comme la lune se levait ; un peu de vent soufflait : larguant les voiles nous poussions des bordées. Et l’on voyait tantôt les nuages encore mauves, tantôt la lune. Dans le sillage argenté qu’elle faisait sur la mer calme, les avirons creusaient des remous de lumière : devant nous, l’Orion passait, mystérieux, dans le sillage de la lune. On la voyait derrière un mât, — puis solitaire, — puis au matin elle est retombée dans la mer.