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lèvres et leurs mains brûlantes. Des hommes à la peau safranée, vêtus d’un pagne ensanglanté, apportaient encore sans cesse des charretées de neige sur des planches pliantes, et des lingots de pure glace qu’ils avaient ramenés de la mer ; on les y jetait du navire ; ils flottaient, glaçons et neiges, écumes, avec la pourpre, sur l’eau bleue que par vagues la pourpre fondue avait fait presque violette.


Et maintenant voici le soir ; le soleil cramoisi disparaît entre les cordages ; les chants crépusculaires montent, et dans le port tranquillisé, le vaisseau fabuleux qui va nous emporter se balance ; alors ayant goûté dans ce jour des promesses de toutes les futures histoires, cessant de regarder le passé, nous tournerons nos yeux vers l’avenir ; et l’extraordinaire navire, laissant derrière lui le port, les jeux et le soleil tombé, s’enfonça dans la nuit vers l’aurore.