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Après quoi j'eus faim et, réservant l'étude des potamogétons pour un autre jour, je cherchai sur le quai le restaurant dont m'avait parlé Pierre. Je pensais être seul. J'y rencontrai Léon, qui me parla d'Edgar. Après midi je visitai quelques littérateurs. Vers cinq heures commença de tomber une petite averse; je rentrai; j'écrivis les définitions de vingt vocables de l'école et trouvai pour le mot blastoderme jusqu'à huit épithètes nouvelles.

J'étais un peu las vers le soir et, après mon dîner, je m'en fus coucher chez Angèle. Je dis chez et non avec elle, n'ayant jamais fait avec elle que de petits simulacres anodins.


Elle était seule. Comme j'entrai elle jouait avec exactitude une sonatine de Mozart sur un piano fraîchement accordé. Il était déjà tard, et l'on n'entendait pas d'autre bruit. Elle avait allumé toutes les bougies des candélabres et mis une robe à petits carreaux.

« Angèle, dis-je en entrant, nous devrions tâcher de varier un peu notre existence! Allez-vous me demander encore ce que je viens de faire aujourd'hui? »