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Nos livres n’auront pas été les récits très véridiques de nous-mêmes, — mais plutôt nos plaintifs désirs, le souhait d’autres vies à jamais défendues, de tous les gestes impossibles. Ici j’écris un rêve qui dérangeait par trop ma pensée et réclamait une existence. Un désir de bonheur, ce printemps, m’a lassé ; j’ai souhaité de moi quelque éclosion plus parfaite. J’ai souhaité d’être heureux, comme si je n’avais rien d’autre à être ; comme si le passé pas toujours sur nous ne triomphe ; comme si la vie n’était pas faite de l’habitude de sa tristesse, et demain la suite d’hier, — comme si ne voici pas qu’aujourd’hui mon âme s’en retourne déjà vers ses études coutumières, sitôt délivrée de son rêve.

Et chaque livre n’est plus qu’une tentation différée.