Page:Gide - La Symphonie pastorale.pdf/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tard, qu’entendant le chant des oiseaux, elle l’imaginait alors un pur effet de la lumière, ainsi que cette chaleur même qu’elle sentait caresser ses joues et ses mains, et que, sans du reste y réfléchir précisément, il lui paraissait tout naturel que l’air chaud se mît à chanter, de même que l’eau se met à bouillir près du feu. Le vrai c’est qu’elle ne s’en était point inquiétée, qu’elle ne faisait attention à rien et vivait dans un engourdissement profond, jusqu’au jour où je commençai de m’occuper d’elle. Je me souviens de son inépuisable ravissement lorsque je lui appris que ces petites voix émanaient de créatures vivantes, dont il semble que l’unique fonction soit de sentir et d’exprimer l’éparse joie de la nature. (C’est de ce jour qu’elle prit l’habitude de dire : Je suis joyeuse comme un oiseau.) Et pourtant l’idée que ces chants racontaient la splendeur d’un spectacle qu’elle ne pouvait point contempler avait commencé par la rendre mélancolique.