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pour celle-ci un temps que j’eusse dû donner à d’autres. Enfin, je crois qu’une sorte de jalousie maternelle l’animait, car je lui entendis plus d’une fois me dire : « Tu ne t’es jamais autant occupé d’aucun de tes propres enfants. » Ce qui était vrai ; car si j’aime beaucoup mes enfants, je n’ai jamais cru que j’eusse beaucoup à m’occuper d’eux.

J’ai souvent éprouvé que la parabole de la brebis égarée reste une des plus difficiles à admettre pour certaines âmes, qui pourtant se croient profondément chrétiennes. Que chaque brebis du troupeau, prise à part, puisse aux yeux du berger être plus précieuse à son tour que tout le reste du troupeau pris en bloc, voici ce qu’elles ne peuvent s’élever à comprendre. Et ces mots : « Si un homme a cent brebis et que l’une d’elles s’égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s’est égarée ? » — ces mots tout rayonnants de