Longtemps nous continuâmes de marcher très vite, en silence. Tout ce que j’aurais pu lui dire se heurtait d’avance à ce que je sentais qu’elle pensait ; je redoutais de provoquer quelque phrase dont notre sort à tous deux dépendait. Et songeant à ce que m’avait dit Martins, que peut-être on pourrait lui rendre la vue, une grande angoisse étreignait mon cœur.
— Je voulais vous demander, reprit-elle enfin — mais je ne sais comment le dire…
Certainement, elle faisait appel à tout son courage, comme je faisais appel au mien pour l’écouter. Mais comment eussé-je pu prévoir la question qui la tourmentait :
— Est-ce que les enfants d’une aveugle naissent aveugles nécessairement ?
Je ne sais qui de nous deux cette conversation oppressait davantage ; mais à présent il nous fallait continuer.
— Non, Gertrude, lui dis-je ; à moins de cas très spéciaux. Il n’y a même aucune raison pour qu’ils le soient.