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la porte étroite

pondre. Plus confusément encore et comme malgré moi :

— Elle a refusé de se fiancer.

— Eh bien ! elle a raison, cette petite ! s’écria ma tante. Vous avez tout le temps, parbleu…

— Oh ! ma tante, laissons cela, dis-je en tâchant en vain de l’arrêter.

— D’ailleurs cela ne m’étonne pas d’elle ; elle m’a paru toujours plus raisonnable que toi, ta cousine…

Je ne sais ce qui me prit alors ; énervé sans doute par cet interrogatoire, il me sembla soudain que mon cœur crevait ; comme un enfant, je laissai rouler mon front sur les genoux de la bonne tante, et, sanglotant :

— Ma tante, non, vous ne comprenez pas, m’écriai-je. Elle ne m’a pas demandé d’attendre…

— Quoi donc ! Elle t’aurait repoussé ? dit-elle avec un ton de commisération très doux en me relevant le front de la main.