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la porte étroite

si tu avais été content de ton séjour à Fongueusemare ? As-tu pu avancer un peu tes affaires ?

Il fallait endurer la maladroite bonhomie de ma tante ; mais, pour pénible qu’il me fût d’entendre traiter si sommairement des sentiments que les mots les plus purs et les plus doux me semblaient brutaliser encore, cela était dit sur un ton si simple et si cordial qu’il eût été stupide de s’en fâcher. Néanmoins je me rebiffai d’abord quelque peu :

— Ne m’avez-vous pas dit au printemps que vous considériez des fiançailles comme prématurées ?

— Oui, je sais bien ; on dit cela d’abord, repartit-elle en s’emparant d’une de mes mains qu’elle pressa pathétiquement dans les siennes. Et puis, à cause de tes études, de ton service militaire, vous ne pouvez pas vous marier avant nombre d’années, je sais bien. D’ailleurs, moi, personnellement, je n’approuve pas beaucoup les longues fiançailles ; cela fatigue les jeunes filles… Mais