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la porte étroite

— Alors qu’est-ce que tu vas faire ?

— Je ne sais plus, répondis-je. À présent que je suis ici, je sens que j’aurais plus facilement fait d’écrire, et je me reproche déjà d’être venu. Tu comprends ce qu’elle a voulu dire ?

— Je comprends qu’elle veut te laisser libre.

— Mais est-ce que j’y tiens, moi, à ma liberté !… Et tu comprends pourquoi elle m’écrit cela ?

Elle me répondit : Non, si sèchement que, sans du tout pressentir la vérité, du moins me persuadai-je dès cet instant que Juliette n’en était peut-être pas ignorante. — Puis brusquement, tournant sur elle-même à un détour de l’allée que nous suivions :

— À présent laisse-moi. Ce n’est pas pour causer avec moi que tu es venu. Nous sommes depuis bien trop longtemps ensemble.

Elle s’enfuit en courant vers la maison et un instant après je l’entendis au piano.