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la porte étroite

balbutia hâtivement Alissa. L’air est frais. Je crois que je ferais mieux de rentrer. Et tout aussitôt nous quittant, elle s’en retourna d’un pas rapide, vers la maison.

— Elle a entendu ce que nous disions, s’écria Juliette dès qu’Alissa se fut un peu éloignée.

— Mais nous n’avons rien dit qui puisse la peiner. Au contraire…

— Laisse-moi, dit-elle en s’élançant à la poursuite de sa sœur.


Cette nuit, je ne pus dormir. Alissa avait paru au dîner, puis s’était retirée aussitôt après, se plaignant de migraine. Qu’avait-elle entendu de notre conversation ? Et je me remémorais inquiètement nos paroles. Puis je songeais que peut-être j’avais eu tort, marchant trop près de Juliette, d’abandonner mon bras autour d’elle ; mais c’était habitude d’enfant ; et maintes fois déjà Alissa nous avait vus marchant ainsi. Ah ! triste aveugle que j’étais, cherchant mes torts en tâtonnant, de n’avoir