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la porte étroite

— Je ne veux pas encore le savoir. Trop de choses m’intéressent. Je diffère le plus que je peux le moment où il me faudra choisir et ne plus faire que cela.

— Est-ce aussi la crainte de te fixer qui te fait différer tes fiançailles ?

Je haussai les épaules sans répondre. Elle insista :

— Alors, qu’est-ce que vous attendez pour vous fiancer ? Pourquoi est-ce que vous ne vous fiancez pas tout de suite ?

— Mais pourquoi nous fiancerions-nous ? Ne nous suffit-il pas de savoir que nous sommes et que nous resterons l’un à l’autre, sans que le monde en soit informé ? S’il me plaît d’engager toute ma vie pour elle, trouverais-tu plus beau que je lie mon amour par des promesses ? Pas moi. Des vœux me sembleraient une injure à l’amour… Je ne désirerais me fiancer que si je me défiais d’elle.

— Ce n’est pas d’elle que je me défie…

Nous marchions lentement. Nous étions