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la porte étroite

la porte même de la chambre d’Alissa ; pour entrer je me réduisais, me vidais de tout ce qui subsistait en moi d’égoïsme… « Car étroite est la voie qui conduit à la Vie », continuait le pasteur Vautier — et par delà toute macération, toute tristesse, j’imaginais, je pressentais une autre joie, pure, mystique, séraphique et dont mon âme déjà s’assoiffait. Je l’imaginais, cette joie, comme un chant de violon à la fois presque strident et tendre, comme une flamme aiguë où le cœur d’Alissa et le mien s’épuisaient. Tous deux nous avancions, vêtus de ces vêtements blancs dont nous parlait l’Apocalypse, nous tenant par la main et regardant un même but… Que m’importe si ces rêves d’enfant font sourire ; je les redis sans y changer. La confusion qui peut-être y paraît n’est que dans les mots et dans les imparfaites images pour rendre un sentiment très précis.

« Il en est peu qui la trouvent », achevait le pasteur Vautier. Il expliquait comment trouver la porte étroite…