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la porte étroite

Deux ans après la mort de mon père, nous vînmes, ma mère et moi, passer les vacances de Pâques au Havre. Nous n’habitions pas chez les Bucolin qui, en ville, étaient assez étroitement logés, mais chez une sœur aînée de ma mère dont la maison était plus vaste. Ma tante Plantier, que je n’avais que rarement l’occasion de voir, était veuve depuis longtemps ; à peine connaissais-je ses enfants, beaucoup plus âgés que moi et de nature très différente. La « maison Plantier », comme on disait au Havre, n’était pas dans la ville même, mais à mi-hauteur de cette colline qui domine la ville et qu’on appelle « la Côte ». Les Bucolin habitaient près du quartier des affaires ; un raidillon menait assez rapidement de l’une à l’autre maison ; je le dégringolais et le regravissais plusieurs fois par jour.

Ce jour-là je déjeunai chez mon oncle. Peu de temps après le repas, il sortit ; je l’accompagnai jusqu’à son bureau, puis remontai à la maison Plantier chercher ma mère. Là j’ap-