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la porte étroite

3 octobre.

Tout s’est éteint. Hélas ! il s’est échappé d’entre mes bras comme une ombre. Il était là ! Il était là ! Je le sens encore. Je l’appelle. Mes mains, mes lèvres le cherchent en vain dans la nuit…


Je ne puis ni prier, ni dormir. Je suis ressortie dans le jardin sombre. Dans ma chambre, dans toute la maison, j’avais peur ; ma détresse m’a ramenée jusqu’à la porte derrière laquelle je l’avais laissé ; j’ai rouvert cette porte avec une folle espérance ; s’il était revenu ! J’ai appelé. J’ai tâtonné dans les ténèbres. Je suis rentrée pour lui écrire. Je ne peux accepter mon deuil.


Que s’est-il donc passé ? Que lui ai-je dit ? Qu’ai-je fait ? Quel besoin devant lui d’exagérer toujours ma vertu ? De quel prix peut être une vertu que mon cœur tout entier renie ; je mentais en secret aux paroles que Dieu proposait à mes lèvres… De tout ce qui gonflait mon cœur, rien n’est sorti.