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la porte étroite

vaste plaine vide où le laboureur penché sur la charrue peinait… « Les lys des champs… » Mais Seigneur, où sont-ils ?…

16 septembre, 10 heures du soir.

Je l’ai revu. Il est là, sous ce toit. Je vois sur le gazon la clarté qu’y porte sa fenêtre. Pendant que j’écris ces lignes, il veille ; et peut-être qu’il pense à moi. Il n’a pas changé ; il le dit ; je le sens. Saurai-je me montrer à lui telle que j’ai résolu d’être, afin que son amour me désavoue…

24 septembre.

Oh ! conversation atroce où j’ai su feindre l’indifférence, la froideur, lorsque mon cœur au dedans de moi se pâmait… Jusqu’à présent, je m’étais contentée de le fuir. Ce matin j’ai pu croire que Dieu me donnerait la force de vaincre, et que me dérober sans cesse à la lutte, n’allait pas sans lâcheté. Ai-je triomphé ? Jérôme m’aime-t-il un peu moins ?… Hélas ! c’est ce que j’espère, et que je