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la porte étroite

que moi-même. Si peut-être, comme il me le dit, son amour pour moi l’inclina vers Dieu tout d’abord, à présent cet amour l’empêche ; il s’attarde à moi, me préfère, et je deviens l’idole qui le retient de s’avancer plus loin dans la vertu. Il faut que l’un de nous deux y parvienne ; et désespérant de surmonter dans mon lâche cœur mon amour, permettez-moi, mon Dieu, accordez-moi la force de lui apprendre à ne m’aimer plus ; de manière qu’au prix des miens, je vous apporte ses mérites infiniment préférables… et si mon âme aujourd’hui sanglote de le perdre, n’est-ce pas pour que, plus tard, en Vous je le retrouve…

Dites, ô mon Dieu ! quelle âme vous mérita jamais davantage ? N’est-il pas né pour mieux que pour m’aimer ? Et l’aimerais-je autant s’il devait s’arrêter à moi-même ? Combien se rétrécit dans le bonheur tout ce qui pourrait être héroïque !…

Dimanche.

« Dieu nous ayant gardés pour quelque chose de meilleur. »