Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/228

Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
la porte étroite

sible et toujours plus… Mais certains jours, hélas ! la vertu ne m’apparaît plus que comme une résistance à l’amour. Eh quoi ! oserai-je appeler vertu le plus naturel penchant de mon cœur ! Ô sophisme attrayant ! invitation spécieuse ! mirage malicieux du bonheur !


Je lis ce matin dans la Bruyère :

« Il y a quelquefois, dans le cours de la vie, de si chers plaisirs et de si tendres engagements que l’on nous défend, qu’il est naturel de désirer du moins qu’ils fussent permis : de si grands charmes ne peuvent être surpassés que par celui de savoir y renoncer par vertu. »

Pourquoi donc inventai-je ici la défense ? Serait-ce que m’attire en secret un charme plus puissant encore, plus suave que celui de l’amour ? Oh ! pouvoir entraîner à la fois nos deux âmes, à force d’amour, au delà de l’amour !…


Hélas ! Je ne le comprends que trop bien à présent : entre Dieu et lui il n’est pas d’autre obstacle