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la porte étroite

vions le besoin de rien dire… Tout à coup il m’a demandé si je croyais à la vie future.

— Mais Jérôme, me suis-je écriée aussitôt, c’est mieux pour moi qu’une espérance : c’est une certitude…

Et brusquement il m’a semblé que toute ma foi s’était comme vidée dans ce cri.

— Je voudrais savoir ? a-t-il ajouté… il s’est arrêté quelques instants, puis : Agirais-tu différemment, sans ta foi ?

— Comment puis-je le savoir, ai-je répondu ; et j’ajoutai : Mais toi-même, et malgré toi, mon ami, tu ne peux plus agir autrement que tu ne ferais animé par la foi la plus vive. Et je ne t’aimerais pas, différent.


Non, Jérôme, non, ce n’est pas la récompense future vers quoi s’efforce notre vertu ; ce n’est pas la récompense que cherche notre amour. L’idée d’une rémunération de sa peine est blessante à l’âme bien née : La vertu n’est pas non plus pour elle une parure ; non, c’est la forme de sa beauté.