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la porte étroite

jour. C’est peut-être aussi le secret du plaisir que je prends à lire un livre en langue étrangère ; non certes que je préfère quelque langue que ce soit à la nôtre ou que ceux de nos écrivains que j’admire me paraissent le céder en rien aux étrangers, — mais la légère difficulté dans la poursuite du sens et de l’émotion, l’inconsciente fierté peut-être de la vaincre et de la vaincre toujours mieux, ajoute au plaisir de l’esprit je ne sais quel contentement de l’âme, dont il me semble que je ne puis me passer.


Si bienheureux qu’il soit je ne puis souhaiter un état sans progrès. Je me figure la joie céleste non comme une confusion en Dieu, mais comme un rapprochement infini, continu… et si je ne craignais de jouer sur un mot, je dirais que je ferais fi d’une joie qui ne serait pas progressive.


Ce matin nous étions assis tous deux sur le banc de l’avenue ; nous ne disions rien et n’éprou-