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la porte étroite

drais simplement que tu te souviennes que je t’aurai beaucoup aimé et… depuis longtemps déjà… depuis trois ans… j’ai pensé que cette petite croix que tu aimais, une fille de toi la porterait un jour en souvenir de moi, oh ! sans savoir de qui… et peut-être pourrais-tu aussi lui donner… mon nom…

Elle s’arrêta, la voix étranglée ; je m’écriai presque hostilement :

— Pourquoi ne pas la lui donner toi-même ?

Elle essaya de parler encore. Ses lèvres tremblaient comme celles d’un enfant qui sanglote ; elle ne pleurait pas toutefois ; l’extraordinaire éclat de son regard inondait son visage d’une surhumaine, d’une angélique beauté.

— Alissa ! qui donc épouserais-je ! Tu sais pourtant que je ne puis aimer que toi… et tout à coup, la serrant éperdument, presque brutalement dans mes bras, j’écrasai de baisers ses lèvres. Un instant comme abandonnée