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la porte étroite

en moi que l’amour. Alissa, qui restait penchée, appuyée contre moi, se redressa ; elle sortit de son corsage un menu paquet enveloppé de papier fin, fit mine de me le tendre, s’arrêta, semblant indécise, et comme je la regardais surpris :

— Écoute, Jérôme, c’est ma croix d’améthystes que j’ai là ; depuis trois soirs je l’apporte parce que je voulais depuis longtemps te la donner.

— Que veux-tu que j’en fasse ? fis-je assez brusquement.

— Que tu la gardes en souvenir de moi, pour ta fille.

— Quelle fille ? m’écriai-je en regardant Alissa sans la comprendre.

— Écoute-moi bien calmement, je t’en prie ; non, ne me regarde pas ainsi ; ne me regarde pas ; déjà j’ai beaucoup de mal à te parler ; mais ceci, je veux absolument te le dire. Écoute, Jérôme, un jour, tu te marieras ?… Non, ne me réponds pas ; ne m’interromps pas, je t’en supplie. Je vou-