Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
la porte étroite

sitôt. Elle resta quelques instants penchée vers moi, tandis que je couvrais de baisers ses mains frêles.

— Pourquoi te cachais-tu ? me dit-elle, aussi simplement que si ces trois ans de séparation n’eussent duré que quelques jours.

— Comment as-tu compris que c’était moi ?

— Je t’attendais.

— Tu m’attendais ? dis je, si surpris que je ne pouvais que répéter interrogativement ses paroles… Et comme je restais agenouillé :

— Allons jusqu’au banc, reprit-elle. — Oui, je savais que je devais encore une fois te revoir. Depuis trois jours, je reviens ici chaque soir et je t’appelle comme j’ai fait ce soir… Pourquoi ne répondais-tu pas ?

— Si tu n’étais pas venue me surprendre, je repartais sans t’avoir vue, dis-je, me raidissant contre l’émotion qui d’abord m’avait trouvé défaillant. — Simplement, passant au Havre, j’allais me promener dans l’avenue,