Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
la porte étroite

sans l’avoir vue, sans avoir cherché à la voir… Oui, sans doute ; je me promènerais seulement dans l’avenue, m’assiérais sur le banc où peut-être elle venait s’asseoir encore… et je cherchais déjà quel signe je pourrais laisser après moi qui l’instruirait de mon passage, après que je serais reparti… Ainsi songeant, je marchais à pas lents et, depuis que j’avais résolu de ne pas la voir, la tristesse un peu âpre qui m’étreignait le cœur cédait à une mélancolie presque douce. J’avais atteint déjà l’avenue, et, par crainte d’être surpris, je marchais sur un des bas-côtés, longeant le talus qui limitait la cour de ferme. Je connaissais un point du talus d’où le regard pouvait plonger dans le jardin ; là je montai : un jardinier que je ne reconnus pas ratissait une allée et bientôt s’écarta de ma vue. Une barrière neuve fermait la cour. Le chien en m’entendant passer aboya. Plus loin, où l’avenue finissait, je tournai à droite, retrouvant le mur du jardin, et j’allais gagner cette partie de la hêtraie parallèle à l’avenue