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la porte étroite

ne voyant rien de ma douleur, ou faisant semblant de n’en rien voir…

À ce moment retentit la première cloche du repas.

— Jamais je ne serai prête pour le déjeuner, dit-elle. Laisse-moi vite. — Et comme s’il ne s’était agi que d’un jeu :

— Nous reprendrons cette conversation plus tard.


Cette conversation ne fut pas reprise. Alissa m’échappait sans cesse ; non qu’elle parût jamais se dérober ; mais toute occupation de rencontre s’imposait aussitôt en devoir de beaucoup plus pressante importance. Je prenais rang ; je ne venais qu’après les soins toujours renaissants du ménage, qu’après la surveillance des travaux qu’on avait dû faire à la grange, qu’après les visites aux fermiers, les visites aux pauvres dont elle s’occupait de plus en plus. J’avais ce qui restait de temps, bien peu ; je ne la voyais jamais qu’affairée, — mais c’est peut-être encore à