Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
la porte étroite

grands auteurs que tu m’avais appris à admirer, je me suis fait l’effet de celui dont parle l’Écriture, qui s’efforce d’ajouter une coudée à sa taille.

— Quel est ce « grand auteur » qui t’a donné si bizarre opinion de toi ?

— Ce n’est pas lui qui me l’a donnée ; mais c’est en le lisant que je l’ai prise… C’était Pascal. J’étais peut-être tombée sur quelque moins bon passage…

Je fis un geste d’impatience. Elle parlait d’une voix claire et monotone, comme elle eût récité une leçon, ne levant plus les yeux de dessus ses fleurs qu’elle n’en finissait pas d’arranger. Un instant elle s’interrompit devant mon geste, puis continua du même ton :

— Tant de grandiloquence étonne, et tant d’effort ; et pour prouver si peu. Je me demande parfois si son intonation pathétique n’est pas l’effet plutôt du doute que de la foi. La foi parfaite n’a pas tant de larmes ni de tremblement dans la voix.