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la porte étroite

— Je te demande pardon, dit-elle aussitôt ; c’est ton visage qui m’a fait rire ; il s’est si brusquement décomposé en apercevant ma bibliothèque…

J’étais bien peu d’humeur à plaisanter.

— Non vraiment, Alissa, est-ce là ce que tu lis à présent ?

— Mais oui. De quoi t’étonnes-tu ?

— Je pensais qu’une intelligence habituée à de substantielles nourritures ne pouvait plus goûter à de semblables fadeurs sans nausée.

— Je ne te comprends pas, dit-elle. Ce sont là d’humbles âmes qui causent avec moi simplement, s’exprimant de leur mieux, et dans la société desquelles je me plais. Je sais d’avance que nous ne céderons, ni elles à aucun piège du beau langage, ni moi, en les lisant, à aucune profane admiration.

— Ne lis-tu donc plus que cela ?

— À peu près. Oui, depuis quelques mois. Du reste je ne trouve plus beaucoup de temps pour lire. Et je t’avoue que, tout récemment, ayant voulu reprendre quelqu’un de ces