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la porte étroite

d’améthystes briller. En confiance, l’espoir renaissait dans mon cœur ; que dis-je : espoir ? c’était déjà de l’assurance, et que j’imaginais sentir également chez Alissa ; car je doutais si peu de moi que je ne pouvais plus douter d’elle. Peu à peu nos propos s’enhardirent.

— Alissa, lui dis-je, un matin que l’air charmant riait et que notre cœur s’ouvrait comme les fleurs, — à présent que Juliette est heureuse, ne nous laisseras-tu pas, nous aussi…

Je parlais lentement, les yeux sur elle ; elle devint soudain pâle si extraordinairement que je ne pus achever ma phrase.

— Mon ami ! commença-t-elle, et sans tourner vers moi son regard — je me sens plus heureuse auprès de toi, que je n’aurais cru qu’on pût l’être… mais crois-moi : nous ne sommes pas nés pour le bonheur.

— Que peut préférer l’âme au bonheur ? m’écriai-je impétueusement. Elle murmura :

— La sainteté…