Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
la porte étroite

certains à végétation puissante restaient encombrés de bois mort ; d’autres, grimpants, croulaient, mal soutenus ; des gourmands en épuisaient d’autres. La plupart avaient été greffés par nous ; nous reconnaissions nos élèves ; les soins qu’ils réclamaient nous occupèrent longuement et nous permirent, les trois premiers jours, de beaucoup parler sans rien dire de grave, et, lorsque nous nous taisions, de ne point sentir peser le silence.

C’est ainsi que nous reprîmes l’habitude l’un de l’autre. Je comptais sur cette accoutumance plus que sur n’importe quelle explication. Le souvenir même de notre séparation déjà s’effaçait entre nous, et déjà diminuait cette crainte que souvent je sentais en elle, cette contraction de l’âme qu’elle craignait en moi. Alissa, plus jeune qu’à ma triste visite d’automne, ne m’avait jamais paru plus jolie. Je ne l’avais pas encore embrassée. Chaque soir je revoyais sur son corsage, retenue par une chaînette d’or, la petite croix