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la porte étroite

Elle me tendit la main ; comme je la portais à mes lèvres :

— D’ici le soir fatal, dis-je encore, pas une allusion qui me fasse rien pressentir.

— Toi, pas une allusion à la séparation qui suivra.

Il fallait à présent rompre la gêne que la solennité de ce revoir risquait d’élever entre nous.

— Je voudrais tant, repris-je, que ces quelques jours près de toi nous paraissent pareils à d’autres jours… Je veux dire : ne pas sentir, tous deux, qu’ils sont exceptionnels. Et puis… si nous pouvions ne pas trop chercher à causer d’abord…

Elle se mit à rire. J’ajoutai :

— N’y a-t-il rien à quoi nous puissions nous occuper ensemble ?

De tout temps nous avions pris plaisir au jardinage. Un jardinier sans expérience remplaçait l’ancien depuis peu, et le jardin, abandonné durant deux mois, offrait beaucoup à faire. Des rosiers étaient mal taillés ;