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la porte étroite

n’est qu’imaginaire et comme tu l’épaissis entre nous !

Si tu sens que tu m’aimes moins… Ah ! loin de moi cette supposition cruelle que toute ta lettre dément ! Mais alors qu’importent tes appréhensions passagères ? Alissa ! dès que je veux raisonner, ma phrase se glace ; je n’entends plus que le gémissement de mon cœur. Je t’aime trop pour être habile, et plus je t’aime, moins je sais te parler. « Amour de tête »… que veux-tu que je réponde à cela ? Quand c’est de mon âme entière que je t’aime, comment saurais-je distinguer entre mon intelligence et mon cœur ? Mais puisque notre correspondance est cause de ton imputation offensante, puisque, soulevés par elle, la chute dans la réalité ensuite nous a si durement meurtris, puisque tu croirais à présent, si tu m’écris, n’écrire plus qu’à toi-même, puisque aussi, pour endurer une nouvelle lettre pareille à cette dernière, je suis sans force : je t’en prie, arrêtons pour un temps toute correspondance entre nous. »

Dans la suite de ma lettre, protestant contre