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voyages du baron de Hübner que je leur lis ainsi ; moi-même j’y prends grand plaisir. Je vais maintenant avoir plus de temps pour lire aussi de mon côté ; mais j’attends de toi quelques indications ; j’ai, ce matin, pris l’un après l’autre plusieurs livres sans me sentir de goût pour un seul !… »

Les lettres d’Alissa devinrent, à partir de ce moment, plus troubles et plus pressantes :

« La crainte de t’inquiéter ne me laisse pas te dire combien je t’attends, m’écrivait-elle vers la fin de l’été. Chaque jour à passer avant de te revoir pèse sur moi, m’oppresse. Deux mois encore ! Cela me paraît plus long que tout le temps déjà passé loin de toi ! Tout ce que j’entreprends pour tâcher de tromper mon attente me paraît dérisoirement provisoire et je ne puis m’astreindre à rien. Les livres sont sans vertu, sans charme, les promenades sans attrait, la nature entière sans prestige, le jardin décoloré, sans parfums. J’envie tes corvées, ces exercices obligatoires et non choi-