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la porte étroite

La lettre suivante ne parlait que de la naissance de sa nièce dont elle devait être marraine, de la joie de Juliette, de celle de mon oncle… mais de ses sentiments à elle il n’était plus question.

Puis ce furent des lettres datées de Fongueusemare de nouveau, où Juliette vint la rejoindre en juillet…

« Édouard et Juliette nous ont quittés ce matin. C’est ma petite filleule surtout que je regrette ; quand je la reverrai dans six mois, je ne reconnaîtrai plus tous ses gestes ; elle n’en avait encore presque pas un que je ne lui eusse vu inventer. Les formations sont toujours si mystérieuses et surprenantes ; c’est par défaut d’attention que nous ne nous étonnons pas plus souvent. Que d’heures j’ai passées, penchée sur ce petit berceau plein d’espérance. Par quel égoïsme, quelle suffisance, quelle inappétence du mieux, le développement s’arrête-t-il si vite, et toute créature se fixe-t-elle encore si distante de Dieu ? Oh ! si pourtant nous pouvions, nous voulions nous rapprocher