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la porte étroite

vers de Corneille ! — qui, entre parenthèses, sont de Racine ; — c’est avec toi qu’elle cause, te dis-je ; c’est à toi qu’elle dit tout cela. Tu n’es qu’un niais si ta cousine, avant quinze jours, ne t’écrit pas tout aussi longuement, aisément, agréablement…

— Elle n’en prend guère le chemin !

— Il ne tient qu’à toi qu’elle le prenne ! Tu veux mon conseil ? — Ne souffle plus mot, d’ici… longtemps, d’amour ni de mariage entre vous ; ne vois-tu pas que, depuis l’accident de sa sœur, c’est à cela qu’elle en veut. Travaille sur la fibre fraternelle et parle-lui de Robert inlassablement — puisque tu trouves la patience de t’occuper de ce crétin. Continue simplement d’amuser son intelligence ; tout le reste suivra. Ah ! si c’était à moi de lui écrire !…

— Tu ne serais pas digne de l’aimer.

Je suivis néanmoins le conseil d’Abel ; et bientôt en effet les lettres d’Alissa recommencèrent de s’animer ; mais je ne pouvais espérer de vraie joie de sa part, ni d’abandon