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la porte étroite

lui ai dits, ou plutôt dès qu’elle a commencé à me comprendre, elle s’est levée du canapé où nous étions assis, a répété plusieurs fois : « J’en étais sûre », du ton d’une personne qui n’en était pas sûre du tout…

— Ah ! ne plaisante donc pas !

— Pourquoi ? Je trouve ça bouffon, cette histoire… Elle s’est élancée dans la chambre de sa sœur. J’ai surpris des éclats de voix impétueux qui m’alarmaient. J’espérais revoir Juliette, mais au bout d’un instant c’est Alissa qui est sortie. Elle avait son chapeau sur la tête, a paru gênée de me voir, m’a dit rapidement bonjour en passant… C’est tout.

— Tu n’as pas revu Juliette ?

Abel hésita quelque peu :

— Si. Après qu’Alissa fut partie, j’ai poussé la porte de la chambre. Juliette était là, immobile, devant la cheminée, les coudes sur le marbre, le menton dans les mains ; elle se regardait fixement dans la glace. Quand elle m’a entendu, elle ne s’est pas retournée, mais a frappé du pied en criant : « Ah !